• "Je lutte puis je sommeille au pays de Senghor
    Lorsque la nuit se fait sur les berges du fleuve
    où nous voyons glisser la pirogue des poètes
    et qu'une main se pose sur l'épaule du temps"
    Bruno Doucet


    Le soleil couchant lançait avidement des lames dorées entre les bras torsadés des épineux. Assis sur le sol, rêveur, le laissais mes mains fouiller la paille déjà fraîche et mes yeux frayer entre les rais de lumière et les colonnes d'ombre.
    "Toubab, toubab !" Les enfants annonçaient la présence de l'homme blanc que je suis. Le me levai, allai à leur rencontre. Bientôt, ils dansaient autour de fagots de bois qu'Alama alignait. Longtemps, elle n'a pas voulu que je l'aide à les porter jusqu'au village. Tous me regardaient, incrédules : les branches sèches et dures, rassemblées en faisceaux incertains, entameraient ma peau de toubab. Comme je ne cédais pas, en riant aux éclats mon escorte se résolut à danser encore.
    Dans la cour, Alama a placé un fagot entier sous le grand chaudron et m'a invité d'un geste désinvolte à jeter les autres sur un maigre tas, contre le mur de terre. Alors elle dut préparer le riz et le poisson, le tiéboudien. Alors je dus partir.

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  •  "Quelque chose en lui parlait
    tambours"

    Werner Lambersy

    La chaleur n'est pas tombée ce soir là, à Palmarin Goulmane. Des cris se sont élevés, en écho aux rythmes rapides des percussions et aux chants des coeurs. La transe s'est emparée des femmes venues par délégations, parées aux couleurs de leur favori, tandis que les colosses ont dansé d'un pas léger devant les tribunes, le regard fier et lointain.
    Les rites ont été respectés. Trois fois les lutteurs entrés dans le cercle de sable brun formé au sol, trois fois en sont sortis d'un bond. Les mains des frères ont redessiné les corps musculeux des athlètes. Les ceintures, léguées par un aïeul, les colliers, les bracelets aux chevilles comme aux poignets, touchés avec égards, ont tenu leurs promesses : les combats ont duré. Les esprits étaient au rendez-vous, qui donnaient la force, qui donnaient le courage, et la chance aussi, car l'adversaire est respecté.
    Il a fallu longuement s'observer, attendre une faille dans la défense, il a fallu fatiguer l'autre en tournant autour de lui, l'agacer d'une main provocante sur son front, l'éclabousser de sable afin que la sueur ne trahisse pas la poigne ferme, pour enfin le saisir et le terrasser de force et de technique.
    Alors le vaincu est resté au sol. Il pleurait, criait sa rage, il semblait vouloir s'enterrer dans le cercle même des combats, et parfois trois hommes massifs ont peiné à l'en arracher.


     

     

     


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